Les naseaux frôlant le sol, Naiiade tendait son cou vers la prairie pour trouver de la nourriture. Sa crinière blanche légère comme l’écume venait tomber sur ses oreilles, les chatouillant, et lui faisant secouer la tête plusieurs fois afin de replacer ces mèches malicieuses. Le temps était calme, la nuit paisible et tiède. Une de ces nuits dont le climat si clément vous retirait toute idée de sommeil et vous invitait à parcourir le monde nocturne pour mieux le découvrir. L’herbe était légèrement sèche et délicieusement croustillante, conséquence de la journée trop chaude qui venait de disparaitre en laissant dans son sillage la douce tiédeur qui enivrait désormais les terres d’Hadès. La voûte céleste était dépourvue de nuages, et la lune éclairait si bien la terre que l’on pouvait s’y déplacer comme en plein jour. Eclairée par l’astre de la nuit, la robe soyeuse de la jument s’illuminait et s’ornait coquettement d’éclats semblables à celui qui dansait sur l’eau du ruisseau qui s’écoulait non loin. La blanche fouilla de la queue. Le silence régnait seulement troublé par ses pas espacés.

Tout était calme lorsque cela arriva. Au commencement presque rien, une brise légère qui vint faire se coucher l’herbe de la plaine. Puis un frisson provoqué par la morsure du vent glacial qui parcouru l’échine de la jeune jument. Elle releva sa tête gracile, ses grands yeux noirs et ses oreilles étaient attentifs. Qu’est- ce que… ? Cherchant une explication à cette mystérieuse bourrasque, elle ne mit qu’un instant à reconnaitre dans la danse de l’élément la signature du plus grand des dieux. Hadès !Bandant ses muscles, la jument du désert se propulsa vers l’avant se laissant entrainer dans un galop effréné. Son maître l’appelait. Elle en était certaine, car elle avait reconnu sa présence, si profondément ancré dans son instinct et dans sa mémoire, puisqu’elle était depuis toujours une enfant du dieu des enfers. Alors que ses sabots frappaient le sol avec passion, la rapprochant toujours plus du lieu encore inconnu qu’elle devait rejoindre, elle suivait le vent comme on suit un vieil ami sur une route inconnue et qu’on lui accorde notre pleine confiance.

La silhouette immense et sombre du château finit par se détacher de la nuit. Elle savait qu’elle était arrivée là où le vent souhaitait la mener, et ralentit donc son allure. Naiiade n’était nullement intimidée par l’allure inquiétante de la demeure, ni par l’étrange résonnance que créait le claquement de ses sabots sur le sol de pierre. Elle arriva enfin dans la salle principale de la bâtisse, celle réservée au culte de leur seigneur qui règne sur les profondeurs de la terre.

- Bonsoir Naiiade. Je t'attendais ma chère...

Le son de sa voix si longtemps enfouie dans sa mémoire fit ressurgir un millier de fois ses souvenirs, ses désirs, ses questions, mélodie des temps anciens. Satan se tenait là, devant elle. Et elle ne s’attendait pas le moins du monde à se retrouver face à lui. Si le choc fut grand pour son cœur, elle n’en montra rien et continua d’avancer sereinement à travers la salle, sa queue légèrement relevée flottant derrière elle comme un voile blanc et léger. Lui, était comme dans son souvenir. Noir et sublime fils des ténèbres, majestueux, souverain dans ce décor qui reflétait la puissance même de son père. Elle était si heureuse de le revoir enfin, mais elle avait peur aussi, et une colère depuis longtemps oubliée avait un court instant refait surface dans son âme. Elle s’arrêta à deux mètres environ de l’étalon. Plus près, cela aurait été un outrage, plus loin, elle serait passée pour un pleutre. Elle préférait se tenir sur le fil du rasoir, comme toujours. Puis elle replia un antérieur et exécuta une révérence comme on le lui avait appris, son geste était empreint d’un respect sincère teinté d’une malice légère.

-Maitre, j’espère pouvoir vous servir tel que vous l’entendez, car c’est là la seule chose que mon cœur désire. Souffla-t-elle finalement avant de se relever

UP Naiiade